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Quand un habitat groupé s'autorise à ne plus faire collectif pour retrouver de la fluidité

Un collectif de propriétaires fait appel à des socianalystes devant des blocages relationnels et une crise de confiance. C'est un lieu-dit où deux terrains mitoyens ont été achetés simultanément, chacun par un groupe de quatre personnes ; ces dernières s'étant rassemblées précisément pour cet achat. Sur un terrain, une maison habitable, sur l'autre, des habitats légers et un bâtiment décati. Le terrain et la maison accueillent des locataires pour des périodes plus ou moins longues, parfois en dépannage. Les habitants font face à une crise de confiance assez importante, et n'arrivent plus à communiquer tous ensemble. Certain.e.s ne se parlent plus du tout depuis quelques mois.

Le déclencheur de la crise actuelle fait suite à une décision prise dans l’urgence sur leur protocole de confinement : une locataire s'est vue empêchée d'accueillir son compagnon, et ce couple envisageait des allers-venues entre leurs domiciles respectifs, éloignés de quelques kilomètres. La situation sanitaire est un prétexte : une habitante ne supporte pas la présence dudit compagnon depuis un certain nombre d'années déjà. Tous se conforment à la décision de cette exclusion temporaire, même si certains la trouvent injuste. Pour ces derniers, cet évènement révèle des désaccords sur le terrain des valeurs, une attaque de la liberté individuelle, l'ingérence dans l'intimité d'un couple. La communication est rompue, ce qui amène le collectif à s'accorder sur l'intervention d'un tiers.

Ce collectif d'acheteurs est aussi constitué d'entités plus petites : quatre couples. L'un s'est séparé entre la signature de l'achat et l'installation sur le terrain, un autre est jugé en souffrance. Certains n'avaient que peu de contacts avant l’achat du lieu, il y a quelques années. Pendant l'intervention, une évidence s'impose : au delà d'un titre de propriété, certaines personnes ne partagent que très peu d’affinités ce qui rentre en confrontation avec la promesse de faire collectif, de mettre sur pied un projet à huit. Face au délitement du collectif, certain.e.s se sentent isolé.e.s et une question les traverse : partir ou rester ?

Il n'y a plus eu de concertations à huit depuis des mois, et face à la désorganisation collective, dans laquelle chacun attend que les autres se positionnent, certains avancent, sans concertation, ce qui crée des crispations parce qu’elles ont des impacts directs sur l’organisation de l’ensemble des habitants. La source de légitimité à décider est l'investissement financier sur le foncier, la légitimité exclusive des acheteurs, y compris celui qui n'habite pas sur place. L'analyse dévoile l'absence de pouvoir des locataires.

Si certains espaces sont ouvertes aux huit personnes, les investissements sont supportés par le groupe propriétaire du terrain concerné. Après un lourd investissement de départ, un groupe finance ainsi un potager et un parking. L'autre groupe s'est engagé à financer la rénovation du bâtiment décati, leur part de départ étant moins importante. Ce bâtiment est situé entre les deux terrains, il destiné à des activités publiques et il cristallise les ambitions collectives. Pour l'instant, il menace de s'effondrer.

Le dossier de permis de construire doit être complété au plus tard le lendemain de l'intervention, à défaut, la procédure en cours sera annulée. Le groupe devant financer seul cette rénovation y renonce pendant l'intervention. Cette décision est symbolisé par l'abandon du dépôt du dossier de permis de construire. Le collectif décide de se lancer dans un chantier de consolidation, pour empêcher l'effondrement du bâtiment. L'intervention permettra finalement de constater qu'un projet commun est complexe à mettre en place et par-là, à s'autoriser à ne plus faire collectif à huit, de laisser exister deux entités aux modes de fonctionnement différent, de veiller à la place des locataires dans les décisions qui les impactent et de retrouver une forme de fluidité au quotidien.