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Quand les permanents et les Benevoles font table rase pour partager leurs responsabilités

Un hameau isolé dans la montagne accueille des mineur.e.s placé.e.s par l'A.S.E., des chantiers d'insertion et des chantiers de volontaires. Les permanents vivent sur place, certains sont salariés, d'autres volontaires. Tous sont là pour des durées limitées à un ou deux ans. Le point de départ : l'épuisement des permanents, plutôt jeunes, et un turn-over important. Les permanents manifestent une perte d'énergie et de sens. Les bénévoles membres du CA, plus âgés, ne savent pas comment s'y prendre pour que la structure perdure : l'idéal autogestionnaire de la génération fondatrice ne porteraient plus les jeunes permanents, qui seraient dans l'action concrète à petite échelle plutôt que dans la poursuite d'un idéal.

La plupart des anciens défendent le modèle initial demandant une polyvalence et une disponibilité totale. La plupart des permanents se sentent assignés à représenter un modèle bienveillant plutôt que conflictuel, une vision professionnelle plutôt que militante, la protection de la vie privée plutôt que l'engagement dans le projet. Beaucoup de bénévoles ont joué un rôle important, bien malgré eux, dans la dépossession, au sein de l’équipe de permanents, de la maîtrise de leur travail. Il y avait « ceux qui font » sans voix au chapitre comme dans une entreprise qui aurait un atelier d’une part, et des ingénieurs en chef d’autre part, "ceux qui pensent". L'analyse révélera aussi le poids des facteurs externes : depuis sa création, ce hameau a bien grandi, les publics ont changé (notamment l'accueil de publics difficiles), et les modes de financement aussi (par dispositifs publics et fonds privés). Le modèle fondateur n'est plus adapté à la complexité actuelle du projet. Le turn-over qui était naturel (volontariat, objection de conscience) est devenu problématique.

L'organisation a oeuvré à faire tenir tous ces enjeux ensemble, en mettant en place des instances mixtes, des commissions, des groupes de travail, etc. Au fil du temps, l'organisation est devenue d'une complexité démesurée. Un système de gouvernance « partagée » a fait écran entre ceux qui assurent 24h/24 la responsabilité des jeunes, et une large couronne mouvante de penseurs, parfois ex permanents, ou futurs permanents, militants, cherchant à exister dans et par l’association, la dynamique générale donnant à l’investissement dans le fonctionnement des commissions plus de poids qu’à l’investissement dans le quotidien du village. Les instances sont désertées par les permanents, qui y voient une charge de travail supplémentaire. Du fait de leur absence, les bénévoles ne trouvent plus de sens à y être, ces instances étant privées de la capacité à agir sur la vie de la structure, représentée par les permanents. La vie associative se délite et s'étiole, comme paralysée de l'intérieur.

Les intervenants proposent à l'assemblée de définir les instances minimales à la gestion de l'activité, en prenant pour contrainte que ceux qui décident soient ceux qui fassent. Cet exercice va dessiner les modes de gouvernance à venir, permettant de redonner du mouvement et de la fluidité dans l'organisation. Les anciens sont mis face à une obligation d'agir pour que leur vision soit prise en compte, et les permanents face à l'obligation de lâcher du pouvoir et laisser une place aux bénévoles.

Cette nouvelle configuration va permettre l'engagement de bénévoles qu'on entendait moins, moins motivé par le mythe fondateur que par une grande envie de contribuer. D'autres vont s'autoriser à mettre un terme à leur engagement de très longue date. Du côté des permanents, ceux qui sont usés peuvent partir, mais ont, suite à cette intervention, retrouvé le désir de construire une organisation capable d'accueillir les suivants, adaptée à la réalité actuelle de la structure, et reconnaissant donc, pour les permanents, la nécessité d'un temps personnel, et de compétences spécifiques liés à leur poste.