016

Quand l'aveu des peurs individuelles permet de dépasser l'inertie dans un collectif d'achat immobilier

Un groupe a décidé d'acquérir ensemble un lieu de vie à la campagne pour y développer des activités professionnelles et des activités ouvertes sur le voisinage. A l'origine de ce groupe, un couple a mobilisé dans son entourage des artistes et des militants proches de la collapsologie.

Depuis la fondation du groupe, beaucoup de temps et d'énergie ont été consacrés à se définir collectivement. Le collectif décide de faire appel à un tiers car les années passent et la perspective d'un achat collectif a laissé la place au sentiment d'échec collectif.

Des contraintes à cette recherche d'un lieu, parfois contradictoires, sont posées : une région qui ne souffrira pas des dérèglements climatiques, un accueil de migrants, un terrain agricole, un territoire déshérité ou au contraire la proximité de communautés semblables... Plusieurs demandent à ce que les activités soient clarifiées, indépendamment du lieu envisagé. D'autres soutiennent que plus le lieu offre de possibilités et plus chacun y trouvera de quoi exprimer ses désirs et sa créativité.

Chaque lieu étudié révèle de nouveaux critères de sélection, autres que les critères objectifs définis explicitement comme la proximité d'une gare et d'une école. Le projet est redéfini à chaque fois en fonction du lieu envisagé, ce qui dérange ceux qui sont attachés à une cohérence idéologique. De manière symétrique, les discussions hors-sol épuisent ceux qui sont pressés d'avancer et partants pour définir en chemin les contours du projet.

La dimension politique du projet, qui se traduit par la volonté de transformation du territoire ou d'impact social, ne fait pas l'unanimité, ni son existence ni ses modalités précises. Le désir de s'installer dans un territoire déshérité est perçu par certains comme un projet colonialiste auquel ils refusent d'être associé. D'autres mettent la priorité sur un territoire accueillant où il ferait bon élever ses enfants, et sont perçus comme des bourgeois, auxquels certains refusent de s'associer.

Une partie de l'assemblée souhaiterait laisser le couple fondateur mener la barque. D'autres veulent contrer ces effets de leadership par l'usage d'outils d'intelligence collective et de gouvernance partagée. Les outils d'animation et le formalisme des décisions sont autant rejetés en bloc par une partie du groupe que défendus coûte que coûte par l'autre partie.

Au-delà de ces désaccords, l'intervention a aussi montré comment les renoncements successifs à des lieux imaginés ont abîmé le désir et la confiance nécessaire à un achat collectif, cet achat restant central dans les projections de vie des personnes restantes.

Le collectif a décidé de ne pas recourir à un prêt bancaire. Certains ont du capital, d'autres pas, certains ont des revenus d'autres pas. Si les membres du collectif se sont exposés mutuellement sur leur rapport à l'argent, le montage financier pour des prêts internes n'est pas encore défini.

L'intervention analyse les blocages construits avec le temps au sein de ce collectif. Cette analyse, en regardant frontalement le sentiment d'échec collectif et les désirs et urgences individuelles, a permis de clarifier le positionnement des uns et des autres, et notamment l'exigence de définir concrètement le montage financier et les contours du projet politique.

En s'avouant leurs peurs liées à la propriété collective, en explicitant les intentions et les usages des outils d'animation qu'ils souhaitent utiliser, l'intervention a permis à une partie de l'assemblée de reprendre sa recherche d'un lieu collectif.